tout d’abord il n’y a plus un mais deux abus de droit fiscal,

– le premier que nous connaissons déjà en cas de but exclusivement fiscal,

– et un nouveau second, dit « Mini Abus de droit » qui vient de sortir :

La loi de finances 2019 a redéfini les contours de la notion d’abus de droit en lui donnant une portée beaucoup plus large qu’auparavant.

Cette procédure nouvelle permet à « Bercy » de remettre en cause les actes qui ont un motif principalement fiscal. Le motif exclusivement fiscal de l’abus de droit classique est donc remplacé par un motif qui devient « principalement  » fiscal.

« principalement » : voilà qui est tendancieux car in fine, au pays de la pression fiscale, toute opération ou presque pourrait devenir à but principalement fiscal.

La nouvelle définition de l’abus de droit fiscal avait fait couler beaucoup d’encre et causé pas mal de sueurs froides en cette fin 2019 …

Dormez tranquille brave gens

Bercy s’est voulu rassurant :

Pour qu’il y ait abus de droit, il faut que tout en respectant à la lettre un texte de loi, l’acte soit contraire à l’objet ou à la finalité poursuivie par le législateur (ou l’auteur de la décision).

L’administration précise qu’à cet effet, lorsque c’est le législateur qui a souhaité encourager un schéma par une incitation fiscale, l’article L. 64 A du LPF ne peut en principe s’appliquer, quand bien même ce schéma aurait un but principalement fiscal, à condition qu’il ne soit pas manifestement détourné de son objet.

Par exemple les donations en démembrement de propriété restent possible, dixit une précision ministérielle (ouf !)

Mini Abus, Mini pénalités

Contrairement à la procédure de l’abus de droit classique, le mini abus de droit n’entraîne pas l’application automatique des sanctions les plus lourdes (80% de pénalité c’est dissuasif). Seules les majorations de droit commun sont applicables : c’est comme si le mini-abus était finalement moins grave que le « gros », donc pas de quoi choquer la morale… sauf que les autres manquements constatés à l’occasion des redressements seront très certainement pénalisés sans ménagement (manquement délibéré, etc.)

Documentez bien le but de vos opérations

Bien entendu, vous n’êtes pas un fraudeur (loin de nous cette idée…) mais pouvez-vous prouver que vous êtes innocent ? Officiellement pas besoin, la charge de la preuve appartient toujours à l’administration fiscale, cependant rappelez-vous que le temps a une fâcheuse tendance à faire disparaître les preuves, or les montages patrimoniaux se débouclent souvent post-mortem : est-ce que vos descendants ont bien toutes les cartes en main pour expliquer au fisc le pourquoi de vos montages (légaux) ? pas si sûr… alors prenez les devants et consultez un fiscaliste pour savoir si vous êtes bien dans la légalité.

 

Lutter contre l’évasion ou l’optimisation fiscale

En fait, quel était le but de ce changement réglementaire ? Réponse : lutter contre l’optimisation fiscale. Espérons que ce but sera atteint mais sans nuire aux citoyens lambdas qui auront simplement appliqué l’option qui leur était la plus favorable – ce qui est encore légitime, n’est-ce pas ?

Réponse : oui, mais pour combien de temps ?

 

Conseil d’Etat, 23 janvier 2020, n°435562